Un processus mycologique de construction et de dégradation
- Années: 2022 - 2024
- Lieu: Nyon (CH), Bruxelles (BE), Bochum (DE)
« Nous sommes coincés avec le problème de vivre malgré la ruine économique et écologique. Ni les récits de progrès ni ceux de la ruine ne nous apprennent à penser la survie collaborative. Il est temps de prêter attention à la cueillette de champignons. Ce n’est pas que cela nous sauvera — mais cela pourrait ouvrir notre imagination. »
— Anna Lowenhaupt Tsing, Le Champignon de la fin du monde (trad. française, La Découverte, 2017)
Cette recherche explore la création d’une réinterprétation fongique d’un élément architectural classique : la colonne. En tant que l’un des premiers supports structurels de l’histoire de l’architecture, la colonne a évolué au fil des siècles, façonnée par les ordres architecturaux successifs des civilisations grecque et romaine antiques. Chaque ordre se distingue par des proportions spécifiques, des ornements particuliers, des techniques de construction et des matériaux caractéristiques — autant de reflets des transformations sociales propres à chaque époque et territoire. Ces évolutions historiques soulignent la nécessité constante de repenser et de renouveler nos conceptions du bâti.
La construction expérimentale repose sur une spéculation : que signifie ériger un monument en ruine ? Nous invoquons la figure de la ruine pour concevoir une forme qui ne soit pas figée, cristallisée. La ruine parle du lien entre le temps et la matière — de l’impermanence, de la finitude de notre environnement construit. Elle nous invite à nous engager dans le processus plutôt que dans l’objet fini, dans le devenir plutôt que dans l’être.
Que nous dit le cycle de vie du mycélium — solidification, fructification, dessèchement, décomposition — sur l’acte de construire et l’art de vivre ? S’agit-il d’un matériau qui se forme avec le temps, nécessitant un geste précis de moulage et de démoulage ? Pourrait-il donner naissance à un nouvel artisanat, sensible aux rythmes du vivant, à la dégradation et au renouveau — transformant ainsi notre « environnement construit » ?
En constante adaptation, les champignons relient le passé, le présent et le futur dans notre relation au paysage. Ils pourraient constituer une alternative aux matériaux de construction traditionnels, et ouvrir la voie à des modèles régénératifs et post-anthropocentriques de l’architecture.
Nous construisons des ruines fertiles en collaboration avec les champignons. Nous imaginons un monument de la finitude, inscrit dans un cycle métabolique de composition et de décomposition. Nous partons en cueillette — non pas pour récolter un savoir figé, mais pour apprendre à lire les signes du vivant, à reconnaître ce qui pousse, disparaît, réapparaît. La cueillette devient ici une méthode : une manière d’être attentif, de faire avec, de construire à partir de l’éphémère. Nous bâtissons les ruines d’un théâtre à venir.
projet développé en collaboration avec Sara Manente (chorégraphe, chercheuse) et Deborah Robbiano (artiste multidisciplinaire)
1ère itération commissionnée par far° festival et fabrique des arts vivants - Nyon
2ème itération commissionnée par nadine - laboratory for contemporary arts
3ème itération commissionnée par Kunstmuseum Bochum
4ème itération commissionnée par Pilar - House of Art & Science at VUB Brussels
avec le soutien de Pro Helvetia – Fondation Suisse pour la culture, CDH-Culture/EPFL, kcBUDA, Kaaitheater, Fondation Erna et Curt Burgauer and the Flemish Government